(...) Donc, l’OMS, organisme libre de toute influence politique ou économique, fort de soixante années d’expérience au service de la santé mondiale (ils faisaient quoi, les gars de l’OMS, à l’époque de Tchernobyl, d’ailleurs ? me dis-je en me coupant juste sous la narine)… Bref, l’OMS, Madame Irma des pandémies, voit alors que le développement du virus va rapidement devenir catastrophique, puisque – c’est le propre d’un virus – cette saloperie de H1N1 va muter, et devenir rapidement incontrôlable.
L’OMS, pas folle d’ailleurs, avait sagement prévu, dès l’épisode scabreux de la vraie-fausse menace de la grippe aviaire, d’autoriser les firmes médicamenteuses à déclencher un genre de plan ORSEC mondial, tant ils l’avaient eu mauvaise de ne pas se gaver sur le dos des oiseaux morts.
Je reviens à mes poils de barbe et de porc. Il y a donc urgence! dit l’OMS , façon Depardieu au bal des débutantes, Ribéry à la dictée de Pivot, Yvette Horner dans un porno... Une cata authentique, mais sans doute encore enrayable, ouf ! Sur ces prédictions désintéressées, il est décidé de commander, aux quatre plus grands groupes pharmaceutiques, des montagnes de vaccins, afin de contrecarrer la pandémie. Sauf que
Sauf que, si c’était vraiment la panique, pourquoi ne pas avoir autorisé TOUS les laboratoires à fabriquer le précieux vaccin ?
Sauf que, le vaccin n’a pas pu être testé dans des conditions garantissant à la fois son innocuité à long terme et son efficacité.
Sauf que, si le danger vient des mutations du virus, on peut s’interroger sur l’utilité d’un vaccin développé à partir de la souche de base du virus, celle-là même qui a ravagé 0,03 pour mille de la population atteinte en Argentine.
Sauf que, le vaccin n’était pas prêt au moment où le ciel était censé nous tomber sur la tête
… enfin voilà, à notre niveau, petits Français que nous sommes, l’inquiétude ne cédait pas la place au catastrophisme : tout comme le nuage de Tchernobyl avait miraculeusement contourné nos frontières orientales, la grippe arriverait vers septembre, pour atteindre un pic en novembre, tandis que la centaine de millions de vaccins (une ou deux injections ?) arriverait vers décembre. Parfait? Parfait, puisque dans une curieuse schizophrénie, Madame Bachelot et ses sbires nous expliquaient tout et son contraire : la grippe sera terrible, d’où l’intérêt du vaccin, mais si vous la chopez avant, du paracétamol et du repos, ça passera!
Evidemment, moi qui n’aime pas plus les piqures que les rasoirs usagé, j’eus vite fait de choisir mon camp parmi les accros au doliprane… Mais c’était sans compter sur la redoutable force de frappe médiatique, sur les armes de persuasion massive qui allaient être mises en œuvre dès la fin de l’été, sur cette campagne terriblement anxiogène : annonce quotidienne des nouveaux décès dans le monde, avis médicaux alarmistes et intempestifs, carte de progression de la pandémie… Je me dois d’ailleurs de revenir sur cette carte. La météo de la mort ! Qui ne se souvient pas de ce soir funeste où, sur l’ensemble des journaux télévisés, on nous diffusa une carte de France intégralement peinte en rouge ? Toutes les régions de France étaient écarlates, toutes ! Restez chez vous, fermez les écoles, faites vous tremper les mimines dans un bain d’acide : on va tous crever!
La carte toute rouge, les premiers rhumes automnaux, l’otarie en chef se faisant embrocher devant les caméras, nous en arrivâmes assez rapidement à un état de terreur nationale : alors même que la plupart d’entre nous ne connaissons personne ayant été frappé avec certitude par le terrible virus mutant, il devint rapidement insupportable de voir quelqu’un tousser ou renifler en public... Certains même, à entendre l’énumération des signes critiques, se persuadèrent d’être atteints de la saloperie des cochons mexicains, et leur mort toute proche décidèrent d’aller se faire vacciner en urgence… Là, autre incongruité du système mis en place dans notre pays, impossible de se faire piquer par son généraliste (ces salauds n’ayant pas d’emblée soutenu de toutes leur forces les premiers diagnostics alarmistes de l’OMS), pas plus que dans un centre dédié, pour peu que l’on n’ait pas encore reçu son bon, véritable sésame pour la survie dans ces heures troubles de panique internationale.
Pour ma part, le bon de vaccination, est arrivé fin décembre, improbable cadeau de Noël, alors que l’on commençait à entendre par ci par là que le gros des troupes virales avait débarrassé le plancher hexagonal, tandis que la grosse des troupes continuait d’alarmer le chaland à la télé.
Au final, là où la grippe saisonnière tue jusqu’à cinq mille Français chaque hiver, la terrible grippe A aura achevé dix fois moins de malheureux.
Il est d’ailleurs « amusant » de constater que la France, championne du monde des doses de vaccin et de TAMIFLU commandé par habitant, soit l’unique contrée où aucune mort ne soit survenue des suites de la vaccination… Même les Belges, qui ont piqué dix fois moins de personnes, ont enregistré des effets secondaires mortels, des fausses-couches étranges, des crèves de cheval inexpliquées... On nous prend pour des buses, alors ? Juste un petit rappel : habituellement, quand un médicament fait plus de cinquante morts au niveau européen, il est retiré, ou redéfini dans son usage… Le vaccin miracle, lui, il a fait « officiellement » plus de cent morts, pays-autruches compris.
Et les Polonais, qui ont choisi de ne pas vacciner ? Bah ils ont eu moins de cas mortels que nous, en proportion… Mais selon nos dirigeants, il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions de l’efficacité du vaccin… Mais il n’est jamais trop tard pour se faire piquer, pour anticiper le probable retour du monstre, l’hiver prochain, bien qu’en même temps Madame Bachelot tente par tous les moyens de refourguer les doses en trop, et en décommander quelques millions d’autres.
Ceux qui verront dans la position de notre chère Ministre les relents de sa brillante carrière dans un grand groupe pharmaceutique ne sont que des pisse-froid : non, on n’a pas commandé trop de vaccins. Non, les marchands de lotions hydro-alcooliques ne s’en sont pas mis plein les fouilles. Non, la dame en rose n’a probablement plus aucun intérêt financier dans son ancienne entreprise. Non, la grippe A n’a pas permis de parler d’autre chose que de la misère sociale…
Vous avez déjà vu, vous, des peuples prêts à crever, faire de la lutte sociale, ou simplement exprimer leur mal être ? De même que les barres d’usure sur les lames de rasoirs, il est des maux et des mots qui n’existent pas chez les crève-la-dalle. Toute proportion gardée (il serait temps !) a-t-on déjà diagnostiqué et traité une dépression au Darfour ?
En caricaturant, je me demande s’il ne serait finalement pas plus utile de commander des vaccins anti femmes battues, alcool au volant, malbouffe et parachutes qui ne s’ouvrent pas. On pourra toujours nous convaincre, pauvres bestiaux que nous sommes, que ça va nous tomber dessus très très très vite…
Faites gaffe, l’hiver prochain, la grippe va revenir en force, surtout si le taux de chômage escalade l’Anapurna, que les coureurs du Tour de France continuent de se doper, que l’ami Nico est au plus bas dans les opinions de vote pour 2012 et que la crise sociale finit de devenir insupportable…
Faites gaffe aussi, en passant sous les échelles. Quand vous vous rasez avec un rasoir bon pour la casse, surtout si votre barbe est trop longue. Mettez un casque, quand vous sortez dehors, les pluies de météorites, c’est pas fait pour les chiens…
Blague à part, le plus grave dans tout ça, c’est qu’un jour viendra où il faudra vraiment se faire vacciner, se serrer les coudes pour prendre avec sérieux une grave menace sanitaire. Il faudra faire confiance, à nouveau. C’est alors qu’on mesurera vraiment les conséquences de l’inconséquence, les dégâts irréversibles causés par le comportement de nos dirigeants et de leur arsenal de cautions scientifiques. Là, on pourra avoir les boules.