La Lituanie s'éloigne encore dans le retroviseur, que Londres se profile déjà, au travers des brumes d'un probable lock-out, dont je ne suis pas loin de penser qu'il aura largement servi les desseins de l'équipe de France... Je crois que, malgré le problème temporaire des assurances des joueurs (l'EDF étant l'équipe dont les stars NBA coûtaient potentiellement le plus cher sur cet Eurobasket), le blocage des activités estivales aux Etats-Unis a permis aux joueurs NBA de donner plus tôt des garanties de présence à leurs fédérations. Et cela a son importance, en termes de préparation physique et collective.
Cet Euro fut pour notre équipe une réussite quasi-totale, et je dois bien avouer qu'avec un peu de recul, je n'arrive même pas à être déçu. Au delà du résultat brut, déjà excellent, l'impression visuelle et la somme de frustrations anciennes évacuées suffisent à mon bonheur, et je crois à celui de nombreux fans.
Avant de totalement refermer ces jolies pages tricolores, je souhaite quand même revenir sur les performances individuelles de nos joueurs. Il y a fort à parier que, sauf blessure ou méforme, beaucoup seront là à Londres l'an prochain. A ceux-là, s'ajoueront sans doute certains jeunes talents (Fournier, Tillie, Lauvergne?) ou des gars plus aguerris, mais blessés cette année (Turiaf, M. Pietrus, Diot).
Pour ne pas faire de jaloux, je vous la fais par ordre alphabétique!
Andrew Albicy
Utilisé comme meneur d'appoint, sur de courtes missions défensives, Andrew n'est pas vraiment parvenu à se libérer. Un match-cata contre Israël au départ (5 bp en une dizaine de minutes) a plombé son tournoi. Ses stats, déjà faiblardes (1,6 pts à 29%) sont de plus à tempérer, car la plupart de ses points ont été marqués dans le garbage time du premier France-Espagne...
Bref, pas très reluisant, mais n'oublions pas la jeunesse d'Andrew, son état d'esprit, et ce qu'il nous a déjà prouvé en d'autres occasions (encore un France-Espagne, tiens...). Et puis derrière un TP stratosphérique et donc forcément vampirisant, pas facile de trouver sa place...
Nicolas Batum
Là, on tient vraiment un sacré joueur! Par son jeu, son attitude, il rappelle forcément un peu Scottie Pippen (le faciès à la serpe en moins, tant mieux pour Nico!), et s'est avéré être lui aussi un parfait lieutenant, derrière le boss Parker. Ses stats moyennes sont vraiment complètes : 13,8 pts (avec des pourcentages énormes), 3,2 rbds, 2 stl par match, le tout saupoudré de dunks électrisants, d'actions offensives et défensives de grande classe, avec toujours cette grâce qui est la marque de fabrique du gaillard depuis ses débuts... Meilleur contreur des bleus. Un petit bémol, malgré son envergure d'albatros et ses qualités athlétiques au dessus de la moyenne, il a souvent été ennuyé en défense face aux prises d'intervalle, aux pénétrations, se laissant un peu trop facilement déborder parfois... Mais dans l'ensemble la performance de Batum reste énorme, il a été prépondérant dans notre réussite, et échoue sans doute aux portes du cinq idéal du tournoi.
Nando De Colo
Un drôle d'Euro, où il est passé du statut de quasi-maillon faible sur les premiers matches, à celui de sauveur de la patrie (Lituanie) , puis de valeur sûre sur les trois postes extérieurs! Bref, il a réussi à enfin sortir de cette gangue de timidité, de doute peut-être, dans laquelle il s'était toujours plus ou moins débattu chez les bleus, alors même que sa carrière en club a déjà largement décollé.
Contre la Lituanie, on a assisté à l'explosion de son talent, sa fiabilité sur le dribble et les tirs, sa faculté à se créer des shoots alors que rien ne va en attaque. Cette qualité fut aussi bien utile devant la Grèce, en première mi-temps, dans le tempo sclérosant que nous imposaient Bourousis et ses copains. Les stats globales de Nando (environ 7 pts, à 47%) ne lui rendent pas vraiment justice, tant son impact fut indispensable aux moments-clés. Impliqué en défense, il a agréablement surpris de ce côté du terrain.
Boris Diaw
Un signe qui ne trompe pas : plus personne ne s'offusque du poids de babac, qui sur ses 2m03 doit bien répartir 120 ou 125 kg! Utilisé principalement au poste 4, avec quelques passages au pivot et à l'aile, le Président (copyright Jacques Monclar) n'a certes plus la félinité d'antan mais a développé en NBA des qualités nouvelles, et notamment un jeu dos au panier qui s'est avéré crucial face à des Italiens certes grands et talentueux, mais dépourvus de forts défenseurs à l'intérieur. Alors ok, Babac est encore capable de passer un match sans shooter, ou presque, ok il ne réclame parfois pas assez la balle pour fixer à l'intérieur, ok il refuse des shoots ouverts à trois points... Mais il est toujours indispensable aux bleus, comme l'attestent ses presque 30 minutes de jeu moyen. Par sa seule présence, il régule le jeu français en attaque, évidemment, mais aussi en défense, où il utilise sa masse et sa science du placement, souvent face à plus grand que lui. Et puis si Parker est le boss, des Bleus, Diaw est incontestablement leur guide, celui qui rassure, qui implique, celui qui comme le disait Nico Batum après la Serbie, reste calme à la fin, quand la balle brûle les doigts et l'enjeu les neurones...
Mickaël Gélabale
Le polyvalent ex-rasta avait un rôle prépondérant du fait de la défection de Mike Piétrus, et s'en est fort bien acquitté, avec un rendement et une efficacité exemplaires jusqu'à cette vilaine entorse de la cheville... Par la suite, il n'a pas été le même, malgré un courage et une volonté à toute épreuve, qui l'ont amené à entrer en jeu alors qu'il n'était pas parfaitement guéri, juste pour aporter quelques minutes de bonne défense.
Evidemment, sur ses matches avec ses deux chevilles, Mika a montré bien plus que de la défense, au point de terminer l'Eurobasket avec un coquet 14/22 à trois points (64%), ce qui en fait le lauréat continental dans ce domaine, et un minimum de déchet (moins d'une balle perdu par match, sur une vingtaine de minutes).
Charles Kahudi
La surprise du chef Collet, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle fut bonne! Une énergie défensive impressionnante, un physique d'enfer, des rebonds, on s'en doutait un petit peu. Là où il m'a surpris, c'est sur son adresse, tant à trois points (4/6) qu'aux lancers (6/8). Jamais avare de courses, de pressing, et de fautes à donner... Il a apporté un relais de qualité sur le poste 3, ce qui n'était pas évident après deux matches. Un apport crucial contre la Serbie et la Turquie. Si nos stars ont brillé dans ce tournoi, c'est aussi parce que les soutiers comme Kahudi ont fait le boulot, avec un état d'esprit impeccable.
Joakim Noah
On l'avait espéré, fantasmé, depuis longtemps déjà. Il avait une pression de dingue, que le staff bleu a intelligemment choisi de limiter en n'autorisant pas de buzz médiatique autour du fils de qui-vous-savez... Mais la pression, Jo, il s'en nourrit. Il la transforme en hargne, et sur chacun de ses passages en jeu, les adversaires du pivot Français et les observateurs s'en sont rendus compte. Au final, le bilan chiffré est bon, puisque qu'on savait depuis un bail qu'il n'est pas un grand attaquant (9 pts, 8 rbds par match, sur 25' de temps de jeu). Sa qualité défense et sa taille ont clairement changé la couleur de la peinture française, surtout quand on voit la qualité des pivots qu'il a eu à se farcir : Bargnani, Kaman, Krstic, Bourousis, Javotkas, Gasol(s), et j'en passe! Face à cette armada, et pour son entrée dans le basket FIBA, il a été remarquable. Il a aussi été rassurant aux lancers (81%!) ce qui est rare chez un pivot et plutôt inespéré, et s'est bien accomodé des coups de sifflets, se trouvant rarement handicapé par les fautes (en partie aussi grâce au coaching intelligent de Vincent Collet). Et puis il y a tout ce qui fait que ce joueur est génial : son enthousiasme, sa gnac, ses passages en totale énergie ou pendant deux-trois minutes, il semble être partout au rebond... Sa faculté aussi à monter en régime, comme face à Bourousis ou à Kaman : dominé en début de match, il a haussé le ton quand le match se jouait. Un dunk d'anthologie sur Bourousis. Déjà complètement indiscutable et indispensable.
Tony Parker
Franchement, après la Russie, le voir les larmes aux yeus, puis ensuite l'entendre parler de son amour indéfectible pour le maillot de la France, lui le métis, né en Belgique d'un père américain... Franchement, j'ai kiffé. Total respect.
Après évidemment, il y a le jeu. Et là, comme beaucoup de grands joueurs, Tony nous a presque blasé, avec sa facilité à enquiller une vingtaine de points face à n'importe quelle défense, depuis maintenant une dizaine d'années. Mais force est de constater que cette année, il avait vraiment du jus. Merci des play-offs ratés des Spurs!!!
Son bilan chiffré est magnifique (22,1 pts – 3,5 rbds – 4,4 ast – 1,6 stl), alors qu'il était ciblé par toutes les défenses, avec en point d'orgue sans doute ce match royal face à l'Allemagne, qui a vraiment lancé l'équipe vers d'autres exploits. En progrès dans la gestion de l'équipe, à la passe. Un patron, sur et hors terrain. Une forme de plénitude. Au final Tony termine top scoreur de la compétition, tout en ayant été diminué par une grosse béquille après l'Italie, et à n'en pas douter en cas de victoire finale, il était MVP. J'aime à croire qu'il le sera à Londres... Bravo, et encore merci au boss!
Florent Piétrus
Au départ, contre l'accrocheurs lettons, il a semblé en dedans. Pas à son aise en défense, pas pressant ni incisif, alors qu'il est justement le baromètre de notre aggressivité défensive. Par la suite, il a su rassurer son monde, retrouvant toutes les qualités qui l'avaient toujours rendu indispensable au collectif tricolore. Oubliées les revendications passées sur son rôle offensif, il a su se mettre totalement au service de l'équipe, dans ce rôle de soutier intérieur qui est sa force. Très parcimonieux ne attaque, il n'a rien gâché : 13/16 aux shoots! (81%)
A mon sens, son apport a été énorme dans la victoire étriquée contre les Grecs : c'est lui qui imprime en premier le tempo défensif qui permet de remettre le match sur la bascule, c'est lui qui est l'étincelle du renversement de tendance, sans même scorer un point, simplement sur son impact sur l'homme. Chapeau.
Kévin Séraphin
A l'image de Charles Kahudi, Séraphin a été une des belles surprises de la compétition. Au tout début, on ne l'attendait même pas dans les douze, alors que finalement il a su se faire sa place dans la rotation, avec un belle efficacité offensive, déployant une palette variée entre jeu dos au cercle et tirs à mi-distance... Bien-sûr, son manque d'expérience fut criant en finale, et il ne faut pas oublier qu'il a en partie fait ses stats dans le faux match contre l'Espagne... Mais tout de même, un gars de cet âge là, à ce poste, avec un tel buffet et un tel impact, on ne voit pas ça si souvent. A titre personnel, je crois que cet Euro peut être pour lui un accélérateur, en lui faisant prendre conscience de ses qualités, de son potentiel « schortsianistiesque »! C'est tout le mal que je lui souhaite.
Steed Tchicamboud
L'escroc, comme il se nomme lui-même, n'a dû sa sélection qu'au forfait d'Antoine Diot, se félicitant du coup de n'avoir pas eu à endurer la préparation physique avec les autres! Mais blague à part, il s'est remarquablement fondu dans le collectif, et a su prendre son rôle avec sérieux et application, y compris en defense, ce qui n'était pas évident à la base. Lors du match sans Tony, il a tenu la mène avec abnégation, à défaut d'adresse. Ses stats sont anecdotiques, l'important n'était sans doute pas là.
Ali Traoré
Mandrake (copyright JM à nouveau!) a failli ne pas venir, poussé vers la sortie par l'éclosion de Séraphin lors de la préparation,et c'eut été bien dommage! Utilisé en rotation prioritaire au pivot, et parfois associé à Noah en tant qu'ailier fort, Ali a fait étalage de sa classe offensive avec une régularité remarquable (7,1 pts à 54% en seulement 11 minutes par match).
J'avoue que j'avais une crainte sur son état d'esprit, alors qu'il n'avait été rappelé en Lituanie que du fait de la blessure de Ronny Turiaf, mais il a été exemplaire, et a même été particulièrement impliqué en défense, ce qui n'est pas à la base son point fort. Face à des adversaires directs souvent plus grands, il s'est volontiers sacrifié en défense, et n'a pas hésité à charogner au rebond, lui l'esthète, le magicien. Comme disait Jacques monclar (et promis c'est la dernière) « Ali c'est un magicien, tu lui donnes la balle, elle disparaît! Mais elle disparaît dans le panier »...